La signature transcriptomique : une piste pour le suivi personnalisé des patients greffés du rein9/24/2020
Améliorer les processus de suivi de rejet de greffon pour perfectionner la transplantation rénale et donc favoriser le confort des patients : tels sont quelques-uns des objectifs du projet KTD-innov. C’est pourquoi les chercheurs visent aujourd’hui à trouver de nouveaux biomarqueurs fiables permettant de prédire les rejets de greffe. L’analyse de la signature transcriptomique apparaît comme une piste prometteuse pour le suivi personnalisé des patients greffés du rein. Focus sur cette technique développée au sein du projet.
L’IMPORTANCE DES BIOMARQUEURS DANS LE SUIVI DES PATIENTS TRANSPLANTÉS DU REIN
Après une transplantation rénale, le suivi personnalisé des patients est un enjeu majeur. Il permet de s’assurer, pour chaque patient, que le greffon remplit bien ses fonctions biologiques tout en détectant d’éventuels signes de rejet du greffon, de la baisse d’efficacité des fonctions du rein ou de l’apparition de maladies.
À chaque consultation de suivi après la greffe, des analyses urinaires et sanguines sont réalisées, permettant de surveiller les principaux biomarqueurs, comme la créatinine ou la protéinurie, entre autres. De manière protocolaire ou en cas d’anomalie détectée chez le patient, des prélèvements de tissu par biopsies sont effectuées en complément pour faire des analyses plus poussées. Afin d’effectuer des diagnostics précis qui permettraient de mettre en place un suivi thérapeutique plus personnalisé et plus précoce en cas de problème, la recherche s’intéresse aujourd’hui à l’expression de gènes dans les prélèvements de biopsies. En France, un consortium d’experts du projet KTD-innov* a mis en place une plateforme technologique qui analyse les signatures transcriptomiques issues d’échantillons de biopsies rénales. Cette équipe, dirigée par les professeurs Jean-Paul Duong Van Huyen et Alexandre Loupy, s'est formée autours des compétences nécessaires au bon fonctionnement d'une telle plateforme. Blaise Robin, en management de la plateforme, est ingénieur en pathologie moléculaire. Il travaille en équipe avec Carmen Lefaucheur, professeure en néphrologie, Jessy Dagobert, ingénieure d'études, Marion Rabant, néphro-pathologiste, Daniel Yoo et Clément Coudereau, bioinformaticiens, Maud Racapé, manager de projet, et bien d'autres collaborateurs. LA PLATEFORME DE TRANSCRIPTOMIQUE, UNE PLUS-VALUE DU PROJET DE RECHERCHE KTD-INNOV
La transcriptomique est l’étude de l’ensemble des ARN (acides ribonucléiques) produits par les cellules et qui révèlent par leur présence la production de certaines protéines, comme les anticorps par exemple. Ces ARN agissent donc comme des marqueurs intermédiaires. En connaissant les marqueurs produits dans le rein, il est possible d’en déduire les problèmes auxquels les cellules font face.
« Ce type de recherche n’est pas nouveau, de nombreuses équipes au niveau international travaillent actuellement sur cette approche, » explique Blaise Robin, responsable des projets transcriptomiques de l'équipe. « En revanche, ce qui est inédit, grâce au projet KTD-innov, c’est l’échelle à laquelle elle est déployée, avec une cohorte de plus de 800 patients et impliquant 7 centres hospitaliers à travers la France. Cette quantité de patients apporte plus de puissance statistique, ce qui nous permet d’obtenir des résultats plus fiables ». Concrètement, comment ça se passe ? « L’idée est de travailler à partir de biopsies classiquement prélevées au cours de la première année : au 3ème et 12ème mois après la transplantation rénale dans le protocole hospitalier. À partir de ces échantillons, nous récupérons l’ARN et regardons si l’information génétique contenue dans la biopsie du patient greffé est différente par rapport à un patient sain, » détaille Blaise Robin. « Les différences qui apparaissent - aussi appelées signatures transcriptomiques – pourraient alors permettre de mieux diagnostiquer un rejet. On espère même le détecter avant l’histologie ».
DES NOUVEAUX OUTILS TRANSCRIPTOMIQUES POUR UN SUIVI DES PATIENTS PLUS PERSONNALISÉ
Dans la mise en place d’un protocole pour l’analyse transcriptomique des biopsies, le premier enjeu concerne les prélèvements et le traitement des échantillons. En routine clinique classique, une biopsie est prélevée sur le patient, puis placée dans du formol pour conserver les cellules. 24 heures plus tard, la biopsie est transférée puis contenue dans un bloc FFPE, pour Formalin-Fixed Paraffin-Embedded. À partir de ce bloc, les techniciens viennent prélever de très fines tranches de tissu pour l’analyse de la structure du rein au microscope par le pathologiste.
C’est à ce moment là qu’intervient l’équipe de recherche parisienne. « A partir de ces mêmes échantillons du patient, l’ARN est extrait pour l’analyser avec la technologie dite NanoString, » explique Blaise Robin. « Cette nouveauté a été rendue possible par le projet KTD-innov. Nous avons pu acquérir une machine NanoString et aller plus loin dans l’analyse en testant cette technique. » Un fragment de la biopsie utilisée en routine est également placé dans du RNAlater, un autre fixateur qui, contrairement au FFPE, conserve très bien l’ARN mais beaucoup moins bien la structure du rein. « Le RNA later permet d’obtenir un ARN de très haute qualité tout en ayant une très bonne conservation, » précise Blaise Robin. « L’ARN extrait est ensuite envoyé à nos partenaires parisiens de la plateforme GENOM’IC à l’hôpital Cochin pour être analysé par NGS (séquençage d'information génétique de nouvelle génération). Cette technique d’analyse est encore plus poussée que le NanoString et permet de voir plus de gènes en même temps. » Cette double analyse en NanoString et en NGS est un véritable atout pour le suivi des patients, car il permet, à partir de biopsies classiquement prélevées en routine hospitalière ou dans le cadre du protocole KTD-innov, d’identifier avec fiabilité les biomarqueurs. KTD-INNOV: METTRE LA TECHNOLOGIE DE POINTE AU SERVICE DES PATIENTS TRANSPLANTÉS
La mise en place de la plateforme de transcriptomique a demandé un travail préparatoire important, car il a fallu optimiser la manière d’extraire l’ARN - étape essentielle du projet - puis mettre en place le protocole définitif qui est appliqué à toutes les biopsies des 825 patients volontaires suivis, le protocole n’étant pas modifiable en cours de projet.
« Sur la partie NanoString, j’ai été observer le travail de l’équipe de l’Université d’Edmonton, au Canada, et adapter leur protocole d’extraction d’ARN à notre besoin », explique Blaise Robin, en management de la plateforme transcriptomique. « En revanche, sur la partie RNAlater pour le NGS, il a fallu comparer différents kits d’extraction d’ARN, tester des protocoles, modifier et adapter les temps d’incubations... afin d’obtenir, à partir d’une même quantité de biopsie, l’ARN de la plus haute qualité et en plus grande concentration possible. Ce travail devait optimiser le protocole au maximum. » Avant d’ajouter que « grâce à KTD-innov, on peut dire que désormais le laboratoire français de transcriptomique de l’unité Inserm U970 est à la pointe sur ce type précis d’analyse NGS et NanoString ». Et demain ?
L’analyse transcriptomique promet d’avoir un véritable impact sur le domaine de la transplantation, notamment dans le perfectionnement de la surveillance immunitaire post-transplantatoire et l’amélioration des diagnostics des patients pendant leur suivi. « On attend beaucoup de l’analyse transcriptomique. Si on l’envisage comme un compagnon de l’histologie, elle pourrait venir en soutien dans des cas complexes et apporter un éclairage précis sur le type de diagnostic à poser et donc du traitement à suivre, » conclut le professeur Jean-Paul Duong Van Huyen. « À plus long terme, on pourrait même imaginer que la signature transcriptomique puisse être l’un des paramètres moléculaires utilisés de manière systématique. D’ailleurs, tester la validité et la place des analyses moléculaires en transplantation est l'un des objectifs des pathologistes et des bioinformaticiens dans le groupe de recherche du Paris Transplant Group ».
Pour en savoir plus sur la plateforme transcriptomique. * Le projet KTD-innov vise à mieux connaître les mécanismes immunologiques autour du greffon rénal et à améliorer le diagnostic de rejet du greffon, en collectant, centralisant et analysant des données cliniques, biologiques et immunologiques de milliers de patients greffés du rein en France. Des équipes de recherche, des centres cliniques et des partenaires industriels collaborent actuellement sur le projet. En savoir plus. |
Projet KTD-InnovPour élucider les mécanismes du succès ou de l’échec d’une greffe de rein, KTD-innov collecte, centralise et analyse des données cliniques, biologiques et immunologiques de milliers de patients greffés du rein en France.
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