Six centres hospitaliers-universitaires. Trois entreprises de pointe dans le secteur informatique et médical. Des centaines de volontaires. Des milliers de données… Ces quelques chiffres montrent l’ampleur de KTD-innov, un consortium public-privé visant à mieux comprendre les greffes de reins, puis à développer un logiciel de diagnostic et de prévisions à l’usage des médecins comme les patients. Comment travaillent les chercheurs impliqués, et dans quelle phase du projet sont-ils aujourd’hui ? Pour nous éclairer, Magali Giral (professeure en néphrologie et directrice de recherche clinique au CHU de Nantes) a eu l’amabilité de répondre à nos questions. Première phase : développer des algorithmes pour mieux prédire l’évolution des greffes de reiN KTD-innov est un projet porté par le Dr Sophie Brouard (directeur de recherche CNRS au CHU de Nantes) et le Pr Alexandre Loupy (néphrologue à l'hôpital Necker et chercheur à l’Inserm). Le projet se déroule en deux temps. Le premier volet (KTD 1) s’achève en ce moment même, tandis que démarre le second volet (KTD 2). KTD 1 consistait à faire une collection d’échantillons biologiques de 750 patients, pour valider des biomarqueurs utilisés par les différents partenaires individuellement et qui n’ont encore jamais été traités tous ensemble. “C’est une approche holistique”, nous dit le Pr Giral. “C’est l’association des biomarqueurs d’intérêt qui va nous permettre de mieux diagnostiquer le rejet du greffon rénal.” Les biomarqueurs étudiés se classent en deux catégories. D’un côté, les biomarqueurs que l’on recueille grâce à des prélèvements non-invasifs, comme une prise de sang ou un recueil d’urine. Les informations qui indiqueraient un rejet de greffe sont recherchées via l’analyse d'anticorps, de protéines et de gènes. De l’autre côté, des biomarqueurs issus de prélèvements invasifs, qui nécessitent une biopsie. C’est ainsi, par exemple, que l’on peut observer l’expression de certains gènes au niveau local. Tous ces prélèvements sont actuellement traités et analysés par le consortium, afin de construire des algorithmes qui feront “parler” ces données, en exploitant des corrélations significatives entre ces biomarqueurs. Le travail se trouve à la frontière de l’intelligence artificielle et du Big-Data. Les premiers résultats de l’étude KTD 1 sont attendus d’ici la fin du printemps. Le tout n’est pas de produire des algorithmes ; encore faut-il qu’ils soient disponibles et facilement utilisables par les personnes concernées. Sur ce sujet, le Pr Giral nous en dit un peu plus : “Notre but est de produire un logiciel avec une double fonction. D’un côté, ce sera un outil d’aide à la décision pour le clinicien. De l’autre, ce sera un outil de suivi et d’accompagnement du patient.” Ce logiciel est développé par l’équipe de Pierre-Antoine Gourraud au CHU de Nantes et édité par Sigma, une entreprise française, qui se charge de concevoir le futur programme et son interface graphique. Deuxième phase : vérifier si les algorithmes peuvent fournir les résultats dans un délai raisonnablELes chercheurs en sont convaincus : le logiciel fournira des analyses pertinentes, utiles aux patients comme aux praticiens. Mais pourra-t-il le faire suffisamment vite ? C’est ce que cherche à vérifier KTD 2, une étude de faisabilité dont le Pr Giral nous résume les enjeux : “Quand il y a une suspicion de rejet, les cliniciens ont besoin d’un résultat dans un temps court. Si nous lui fournissons cette information deux ans plus tard, c’est sans intérêt !” En effet, l’ensemble du procédé prend du temps : il y a beaucoup à faire entre le moment de la collecte des prélèvements chez le patient, l'envoi et l’analyse des échantillons dans les laboratoires, la compilation des données puis le traitement de ces informations via le logiciel… Toutes ces opérations peuvent-elles être réalisées dans un laps de temps raisonnable pour le patient et son néphrologue ? “Nous voulons prouver que nous sommes capables de le faire en 20 jours”, déclare le Pr Giral. En plus de cet objectif principal, KTD 2 poursuit des objectifs secondaires :
En 2022, une fois cette seconde phase de l’étude KTD-innov effectuée, de nouvelles recherches seront certainement conduites pour mesurer l’impact réel du logiciel sur l’évolution des greffes. Une recherche collective et made in France
Novateur, ambitieux, KTD-innov est aussi un projet français, financé à 100% par l’Etat, pour un budget total de 5 millions d’euros.
D’ailleurs, pour le Pr Giral, le paysage français est particulièrement favorable à la recherche dans le domaine : “On est structuré, on a des règles communes. Et les profils des patients sont à la fois divers et bien répartis sur tout le territoire. C’est important car les résultats qui seront produits par ce projet seront applicables partout en France.” Avant de conclure, le Pr Giral tient à saluer la participation de chercheur(e)s et docteur(e)s dans le projet, notamment Emmanuelle Papuchon et Maud Racapé qui coordonnent avec l’Inserm Transfert les activités des équipes de recherche clinique de tous les CHUs ainsi que des plateformes de biologies et des partenaires industriels. |
Projet KTD-InnovPour élucider les mécanismes du succès ou de l’échec d’une greffe de rein, KTD-innov collecte, centralise et analyse des données cliniques, biologiques et immunologiques de milliers de patients greffés du rein en France.
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